Conférence de Madrid - Témoignage d'une participante
Par Claude Dumont
Départ Madrid jeudi 11 mars, retour dimanche 14; lundi, c'est le travail, le quotidien qui reprend son cours...
Alors la « Conférence » le « Monde à la Croisée des Cultures » ?
Quelques amis me posent la question et j'essaie de résumer mes impressions dans l'essentiel.
Deux temps bien délimités avec l'accueil et la visite du lieu ou d'un lieu en lien avec le thème choisi puis le déroulement des interventions des personnalités présentes.
Dans les magnifiques jardins du Prado que l'on observe à travers les grandes baies vitrées de la salle de réception, la soirée d'accueil, perturbée par un changement de programme de dernière minute, se met difficilement en place ; elle restera d'ailleurs incertaine et ennuyeuse mais se terminera sur une excellente note bien trop brève: un chanteur de flamenco-jazz, plein de vie, de rythmes irrésistibles, de maîtrise.
Il est aussi bon que décalé par rapport au style de la conférence ! Mais le flamenco est aussi le reflet d'un certain genre de culture et ce trop court concert me fait l'effet d'un éclat de rire plein d'humour !
Le lendemain vendredi, avec le groupe auquel nous nous joignons : visite de Tolède.
Le car s'arrête à un point de vue, nous descendons pour admirer, respirer la ville et son étrange couleur lumineuse, son aura. Elle émane une personnalité vivante, une grande histoire... Ça vibre encore.
Nous parcourons la vieille ville au petit trot soutenu et nous nous attardons dans les deux synagogues existantes.
C'est beau, grandiose, magnifique, les explications de la guide sont intéressantes ; pourtant quelque chose manque cruellement : un souffle, une poésie, une évocation de l'histoire de ces hommes qui ont vécu, aimé, créé, prié, ces hommes qui se sont puissamment enracinés dans cette ville, qui ont produit, manifesté le meilleur de leur Tradition et de leur culture sur plus d'un millénaire et qui se sont retrouvés, du jour au lendemain, après la lecture publique d'un décret de la reine Isabelle la Catholique en Juif errant...
Le début de l'Inquisition, il y a 500 ans... Cette évocation aurait été comme un cœur qui bat dans ces synagogues vidées de leur substance et dans ces lieux, qui malgré leur beauté, ne résonnent plus.
Le passage à la mairie de la ville n'apporte rien et c'est seulement au moment du délicieux déjeuner qu'un échange chaleureux nous indique que nous sommes dans le cadre de la Conférence et non dans un quelconque tour-opérateur à la découverte de l'art Tolédan, le fameux « Mudejar ».
Un peu après le retour de Tolède, un intervenant bien connu, une personnalité parisienne, grand chroniqueur, ouvre le cycle des conférences en brossant le tableau des nouvelles du monde et des nouvelles qui concernent plus directement Israël, un prologue en quelque sorte...
Il va analyser, commenter, comparer, peser et soupeser, spéculer avec humour parfois, essayer de donner une cohérence avec quelques voltes-face surprenantes à ce tourbillon de nouvelles qui ne sont pas bonnes quand elles ne sont pas franchement mauvaises : rien de nouveau.
Le lendemain, samedi dès 9h30, le groupe francophone se retrouve dans la grande salle: chaises et tables, stylos, papiers, l'estrade des intervenants; on se sentirait presque de jeunes étudiants.
C'est le début de la deuxième partie du programme de la conférence, qui avec son maître mot « excellence » est une précieuse opportunité pour apprendre, écouter, questionner, rencontrer des personnalités à la pointe de leur discipline qui partagent leur savoir avec simplicité.
De Babel à l'Andalousie... C'est le thème par excellence !
Trois intervenants et le modérateur ; l'un d'eux prend la parole : la voix est claire, tranquille et ferme, le ton vibrant... Il dit son histoire brièvement, celle du juif au Maroc, accessoirement la sienne... Il n'exprime pas une opinion mais une vision., il ne discourt pas, il communique un message qui émane de toute sa personne ; le raffinement du ton et des paroles viennent tout droit de l'intelligence du cœur qui se sert de l'intelligence du cerveau.
Il parle de la Paix, de la nécessité absolue de la Paix pour la grande communauté juive du Moyen-Orient ; le pays d'Israël.
Il évoque les deux grandes tragédies, l'Inquisition, l'exil, l'Holocauste, l'horreur, sur les terres chrétiennes, dans cette civilisation chrétienne, il rappelle que son pays en terre d'Islam a accueilli des milliers de réfugiés dans ces temps noirs.
L'homme est un vieux combattant, il incarne une action, un combat de plus de 40 ans; il dit très rapidement ce combat, donne des preuves tangibles et concrètes de son progrès, plaide pour que nous ne nous laissions pas aveugler par la violence et le terrorisme des groupes politico-religieux qui tiennent en otage des populations qui voudraient bien vivre en paix. Il dit, l'Espoir, la Paix comme la seule issue possible quelques soient les apparences.
Vu de l'Ouest tout semble démentir cet espoir et confirmer les apparences.
Que cherchions-nous dans le souvenir des de Tolède ? Un Age d'Or, un temps où les communautés savaient et pouvaient vivre côte à côte, une Sagesse oubliée semble-t-il ? Et l'évocation de ces temps anciens qui faisaient tellement défaut dans la visite des ces synagogues , n'est-elle pas tout simplement présente dans ce combattant d'aujourd'hui ?
« Pour quand, la Babel à l'envers ».
Les thèmes se succèdent tout le long de la journée... Passionnant ou simplement intéressant jamais ennuyeux : un personnage fort sympathique nous démontre, petits films à l'appui le pouvoir de la musique dans la publicité, un grand architecte lui aussi bien sympathique dénonce sans passion les dérives et les délires de sa profession dans le cadre de cette mondialisation.
Suivra un exposé sur « l'Ethique au défi des sciences physiques et génétiques et des nouvelles technologies » par un professeur que nous aurions bien aimé écouter pendant des heures en dépit de la compétence de ses collègues d'estrade.
Le soir, changement radical de style : l'ambassadeur de France nous reçoit dans sa résidence, très belle résidence, un ancien palais d'une vieille famille madrilène.
C'est une soirée détendue, décontractée même, avec quelques discours brefs et amicaux : l'humeur est joyeuse sous l'immense portrait de Louis XIV en tenue d'apparât. On boit du bon vin, les amuse-bouches sont délicieux, la musique agréable et discrète, il y a même des cendriers sur les tables... La mondialisation, les inquiétudes, les débats sur l'éthique, tout est resté au vestiaire.
Le rythme soutenu des conférences du samedi reprend dès le dimanche 9h30 avec le « Rôle des échanges culturels dans le monde diplomatique », puis la « place de l'université à la croisée des civilisations ».
Le premier thème de la matinée réunit trois intervenants, toujours avec un modérateur; ces personnalités très réalistes de par leur implication professionnelle, semblent sans illusion, mais gardent espoir : ils travaillent dans leur champ d'action respectif à garder la porte du Futur entrouverte et nous racontent ce travail.
Ce sera un bout de phrase de l'un d'entre eux, comme une brève conclusion, qui sera mon bon souvenir de cette conférence 2010.
L'Inattendu... C'est notre espoir.
Ces quelques mots font écho à la phrase d'un grand poète révolutionnaire et yogi de l'Inde du début du XXe siècle : Sri Aurobindo.
" N'écoute pas la prudence du monde murmurer à tes oreilles car c'est l'heure de l'Inattendu ».
C'est la promesse du seul possible, pour ce monde d'humains pris dans le tourbillon des nouvelles qui n'annoncent jamais rien de nouveau.
Puis c'est le départ : on se salue, s'embrasse, récupère les valises, se précipite dans les taxis, l'aéroport - Madrid – Genève.
C'était un court moment dans le Monde à la croisée des cultures...